Chapitre
15
Sortie à Pré-au-lard
— Je n’ai pas pu m’en empêcher, annonça Cameron en suivant les trois autres le long du tunnel. Je savais que vous alliez faire quelque chose de super marrant. Ensuite, je vous ai vu partir vers le Saule Cogneur, et je me suis rappelé avoir lu qu’il y avait un passage secret en dessous, au temps de nos parents. On dit que tous les passages ont été bouchés après la Bataille, mais j’étais certain que vous trouveriez une façon de passer quand même si vous le vouliez. Alors, je vous ai suivis. J’allais vous appeler, quand j’ai vu l’arbre arrêter de bouger. Après, vous avez tous couru vers lui. Et j’ai fait la première chose qui m’est passée par la tête, j’ai couru derrière vous. J’ai failli me faire avoir. Le saule s’est ranimé au moment où j’arrivais aux racines. Une branche m’a raté de justesse.
— Dommage que cet arbre stupide soit aussi paresseux, marmonna Ralph.
Rose tenait toujours sa baguette à la main, pour éclairer leurs pas.
— Cameron, c’était inconscient de ta part, dit-elle d’un ton de reproche.
— Vous n’allez quand même pas me blâmer pour ça ! protesta Cameron d’une voix aiguë. J’ai lu toutes les histoires d’Harry Potter au moins une dizaine de fois. Quand je vous ai vu filer comme ça, je savais que vous alliez faire un truc super secret, une vraie aventure. Je voulais aussi participer. Je vous promets que je ne vous gênerai pas.
— Ces histoires sont complètement grotesques, Cameron, affirma James, sans trop y croire. Mon père affirme qu’il n’a jamais pu les finir. On dirait que sa vie a été une grande aventure passionnante, mais la plupart du temps, il était mort de peur, les gens mouraient autour de lui, et il ne sait toujours pas comment il a réussi à s’en sortir. Un coup de bol, je suppose.
— Oh, je sais ! répondit Cameron avec enthousiasme. Crois-moi, je le comprends très bien. Je sais que les livres de Revalvier ont été revus à la baisse – après tout, ils ont été écrits pour des enfants. Mais mon père affirme qu’il y a beaucoup de vrai. Il dit que ton père a réellement combattu Voldemort, devant tout le monde, et qu’il l’a tué à cause de la protection magique que sa mère lui avait donnée, quand elle est morte pour le sauver. Tu sais, cette partie n’a pas été inventée.
— Écoute, Cam… commença James en colère.
Il fut interrompu quand Rose s’éclaircit la voix, en lui envoyant un coup de coude.
— Nous n’avons pas été les seuls à perdre des membres de notre famille dans ce combat contre Voldemort, dit-elle doucement.
Et James se souvint. L’oncle de Cameron avait été tué durant la bataille de Poudlard. Colin Creevey n’avait même pas eu l’âge requis pour combattre, mais il était resté quand même… et il était mort à 15 ans. James soupira.
— D’accord, Cameron, j’admets que tu as le droit de venir avec nous aujourd’hui. Mais crois-moi, il n’y aura aucune grande aventure.
— J’espère bien, ajouta Ralph, sombrement.
— Ralph, ne t’inquiète pas, dit Rose en se tournant vers lui. Je t’ai déjà dit que, techniquement, le tunnel qui nous conduit à Pré-au-lard fait partie de Poudlard. Donc nous sommes toujours sous la protection que Merlin a donnée au château. Nous ne risquons rien ici.
Ralph ne parut pas particulièrement soulagé.
— D’accord, mais que se passera-t-il quand nous serons à Pré-au-lard ? Ne me dis pas que tout le village fait toujours partie de Poudlard !
— Ça se discute, répondit-elle, parce que le village a été construit sur les terres qui entouraient jadis le château. Mais c’est sans importance, nous serons avec les autres. Et même le… Euh… je veux dire que personne ne s’aviserait de nous attaquer au milieu de la foule. Nous n’avons pas revu le directeur depuis deux semaines.
— Moi je l’ai vu hier, intervint Cameron. Il était dans le couloir devant la salle commune, mais il ne s’est pas arrêté. J’ai cru qu’il revenait d’une promenade.
James lui jeta un coup d’œil.
— Tu as vu Merlin au château ? Tu es sûr que c’était lui ? Je pensais qu’il était en voyage quelque part. C’est ce que le professeur Londubat nous a dit.
— Eh bien, il a dû revenir, répondit Cameron. Qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi vous faites cette tête tous les trois ? Je croyais que vous aimiez bien Merlin ?
— Bien sûr, Cam, répondit Rose. Nous l’aimons bien. Mais nous préférerions qu’il ne nous voie pas filer comme ça. Ce serait aussi bien qu’on ne se fasse pas choper en quittant le château !
Cameron eut un grand sourire.
— Oh, vous ne vous ferez pas choper. Ça ne ferait pas une très bonne histoire, pas vrai ?
James commençait à trouver Cameron franchement pénible.
— Ce n’est pas une histoire, tu sais. Merlin à des moyens de savoir ce qui se passe au château. S’il est revenu…
— Pas la peine de paniquer, coupa Rose calmement. Nous ne faisons rien de bien terrible. Nous voulons juste regarder comment ça se passe à Pré-au-lard, c’est tout. Il ne va rien nous arriver de grave. Cameron a probablement raison. Ça ne ferait pas une très bonne histoire si nous étions pris tous les trois, et enfermés par un l’ennemi terrible dans la Cabane Hurlante… (Sa voix dérailla un peu.) Euh… vous en pensez quoi ?
— Ça dépend le genre d’histoire que tu aimes lire, annonça Ralph, d’un ton sinistre.
Ensuite, ils avancèrent plutôt nerveusement, sans un mot. Au bout d’un moment, le tunnel commença à remonter. Ils arrivèrent devant un tas de débris et de gravas couverts de poussière et de toiles d’araignée. Au-delà, l’obscurité était totale.
— Nous devons être dans la cabane, chuchota Rose. James, tu crois qu’on peut passer ?
— À peine, mais ça devrait être possible en poussant un peu.
James escalada souplement quelques meubles au rebut. Une épaisse poussière s’envola aussitôt, la lumière de la baguette de Rose suffisait à peine à éclairer la scène. Plusieurs araignées s’enfuirent le long des murs.
— Alors, nous sommes dans la cave de la Cabane Hurlante ? demanda Ralph, d’une voix tremblante. Euh… pourquoi n’y a-t-il aucun hurlement ?
— Ça ne marche pas comme ça, Ralph, répondit Rose à mi-voix. C’est une très longue histoire, mais il n’y a rien ici qui puisse nous faire peur. Du moins, plus aujourd’hui.
Ralph déglutit.
— Alors, pourquoi tu parles aussi doucement ?
James s’essuya le front avec sa manche.
— Voilà, dit-il. Nous pouvons passer. Je vois de la lumière. Il fait sombre, mais si vous vous glissez là-dessous, nous nous arriverons dans la pièce d’à côté.
Passant le premier, James rampa à quatre pattes dans la petite ouverture qu’il avait dégagée. Il voyait la sortie du tunnel, et savait qu’autrefois, elle avait été plus large. La Cabane Hurlante s’était détériorée au cours des années, et il y avait longtemps que le tunnel n’était plus utilisé. Les murs s’étaient effondrés, le plafond aussi, et l’ouverture qui restait était minuscule.
Une fois dans la cave, les quatre élèves se redressèrent et nettoyèrent la poussière qui les recouvrait. Cameron regarda autour de lui avec admiration.
— Waouh ! s’exclama-t-il. C’est là que tout est arrivé ! C’est là qu’Harry Potter a appris la vérité au sujet de Sirius Black. Je parie que c’est là aussi qu’il a failli tuer le rat, Peter Pettigrew.
— Merci de nous rappeler ça, image par image, Cam, grommela James. Allez, venez, sortons le…
Quand Cameron poussa un cri étouffé, les trois autres firent un bond et se tournèrent vers lui.
— Ça doit être là aussi que Voldemort a ordonné à son serpent, Nagini, d’attaquer le professeur Rogue ! (Cameron avait le souffle coupé par l’émotion.) Il a dû mourir exactement à l’endroit où tu es, Ralph !
— Tu pourrais arrêter de parler de tous les gens qui sont morts dans cette pièce, Cameron, s’il te plaît ? cria Ralph. L’ambiance est déjà suffisamment pénible comme ça. Pas besoin d’en rajouter.
— Oh, dit Cameron un peu gêné. Oui. Euh… désolé.
Lentement, les quatre élèves traversèrent prudemment la pièce encombrée de débris, meubles, morceaux de plâtre, et pierres, et montèrent l’escalier branlant. La Cabane Hurlante était dans un tel état de délabrement que James s’inquiéta à l’idée qu’elle pouvait leur tomber sur la tête d’un moment à l’autre. Le vent soufflait et gémissait à travers les fissures du mur, faisant trembler toute la bâtisse. Quand ils arrivèrent au rez-de-chaussée, une fenêtre cassée au volet arraché laissait passer le jour extérieur, et Rose put enfin éteindre sa baguette.
— Il y a une porte, annonça Cameron en l’indiquant du doigt.
Étrangement, la vieille porte était toujours intacte, et verrouillée si étroitement que les quatre élèves durent s’accrocher tous ensemble à la poignée pour la faire bouger. Ralph bondit le premier sur le porche aux plancher disjoint.
— Je suis vraiment content de sortir de là, annonça-t-il. Je pense que cette baraque ne tient debout que par la force de l’habitude.
James se retourna pour examiner la cabane.
— J’espère qu’elle sera encore debout dans quelques heures, pour qu’on puisse revenir.
Ralph regarda James et Rose.
— À mon avis, dit-il, c’est vraiment stupide de risquer autant pour acheter quelques Ballongommes du Bullard, et dire bonjour à Ted.
Rose passa devant lui en secouant la tête, et se mit à trottiner sur le chemin qui menait au village.
— Allez, Ralph, arrête de râler. Où est passé ton esprit d’aventure ?
— Je pense l’avoir complètement gaspillé l’année dernière.
James eut un sourire.
— Le pire est derrière nous, Ralphinator. Viens, on va se marrer.
Cameron avait rattrapé Rose et il se retourna pour gesticuler en direction des deux retardataires.
— Dépêchez-vous, les mecs, hurla-t-il. J’ai envie de faire pipi.
Ralph leva les yeux au ciel, puis il adressa à James un sourire.
— Allez, viens, on fait la course.
James, Ralph, Rose et Cameron arrivèrent dans la Grand-rue de Pré-au-lard, et déambulèrent, nez au vent, regardant avec enthousiasme les différents magasins et la foule animée. James et Ralph discutaient pour savoir s’ils iraient d’abord chez Honeydukes ou chez Weasley, Farces pour Sorciers Facétieux quand Rose poussa un cri joyeux, le doigt pointé. Puis elle partit en courant.
— Scribenpenne ? s’étonna James, effondré en la suivant. Ne me dis pas que ton premier arrêt sera dans un magasin pour acheter des plumes ?
Rose poussa la porte, en faisant sonner la clochette.
— Tu sais, répondit-elle, je n’ai pas beaucoup d’argent, et je ne pourrais pas à acheter grand-chose, mais je ne peux pas attendre ! Peut-être ont-ils le nouveau Bicaboum à Encre Perpétuelle. Oh, regarde ! Ils ont aussi les nouveaux stylos Rapeltout ! Ils se souviennent de tout ce qu’on écrit, et peuvent le répéter sans problème.
— Alors là, c’est dément, dit James, les yeux écarquillés. Un stylo comme ça pourrait nettement améliorer les résultats aux examens. C’est combien ?
Rose lui jeta un coup d’œil dédaigneux.
— C’est vraiment étonnant de voir à quel point tu cherches à éviter de travailler, James.
— Parfaitement, répondit James, et oncle Ron serait très fier de moi.
Ils se retrouvèrent peu après tous les quatre dans la rue. Ensuite, ils s’arrêtèrent dans chacune des boutiques. Chez Bagages Hiram, Cameron acheta un nouvel étui pour sa baguette. En sortant, il l’essaya immédiatement, avant de le montrer fièrement à James et Ralph.
— Il y a un sortilège qui protège le vernis de la baguette et améliore son fonctionnement, proclama Cameron fièrement, en lisant la notice. L’intérieur est garni de daim enrichi par la cire Boisdor – la cire qui donne sa force à vos sortilèges. Chaque fois que je mets ma baguette dans cet étui, elle est nettoyée et renforcée.
— Magnifique, Cam, dit Ralph en hochant la tête. En plus, ça… Euh… ça te donne un style.
— Merci, répondit Cameron avec un grand sourire. Hey ! On peut s’arrêter au kiosque de journaux ? Je veux voir s’ils ont reçu le nouvel exemplaire d’Histoires Incroyables !
Le kiosque de journaux était au coin de la Grand-rue et de la rue Guddymutter, et c’était le seul kiosque à étage que James ait jamais vu. Sur le côté, un escalier en spirale montait jusqu’à une étroite galerie en fer forgé qui tournait tout autour de l’étage supérieur. On y trouvait tous les journaux et magazines imaginables du monde sorcier international. Tout en haut de la boutique, il y avait une volière, très bruyante, qui vibrait de la présence d’oiseaux de toutes sortes. Des hiboux semblaient entrer et sortir toutes les secondes, et à chaque fois, un très petit homme installé à un bureau au centre de la volière se précipitait et récupérait un paquet ou une lettre. En général, il s’agissait de petits morceaux de parchemin roulés comme des cigarettes et plantés dans des petits tubes en cuivre attachés aux pattes du hibou. Dès qu’il ouvrait les messages, l’homme se tournait et parlait dans un tube en cuivre pour en lire le contenu. Le tube emportait la voix de l’homme à travers un système compliqué de tuyaux et d’amplificateurs, et la nouvelle était annoncée à haute voix dans la Grand-rue.
— Étonnante nouvelle de Turquie, dit l’homme, d’une voix de baryton étonnamment profond, le grand vizir du calife sorcier Rajah Hassajah, est mort inopinément, et il a été remplacé par son assistant, Ahmed al-Mustaphus. La Banque Internationale des sorciers a décidé de bloquer toutes les transactions avec le califat, jusqu’à ce que la crise ait trouvé une solution satisfaisante. Nous vous tiendrons au courant des dernières nouvelles.
— Oh regarde qui apparaît ce mois-ci sur la couverture du Chicaneur, cria Rose, enchantée.
Elle tira un exemplaire d’un des présentoirs du bas. Penché par-dessus l’épaule de sa cousine, James étudia le tabloïd qu’elle tenait dans les mains. « Luna Lovegood, fille du rédacteur en chef du Chicaneur, annonce son mariage ». Sur la couverture, Luna souriait d’un air heureux en acceptant un anneau de son amoureux, Rolf Scamandre. De toute évidence, le couple posait, mais le sourire de Luna était authentique, et une affection sincère se lisait sur le visage de Rolf – même s’il ressemblait à un insecte géant. James examina la photo et l’anneau que levait Luna pour le présenter au public, on aurait dit un cabochon d’ambre avec un insecte à l’intérieur.
— Voilà, c’est fait, remarqua Ralph.
Rose rangea le tabloïd sur le présentoir.
— Tant mieux, dit-elle, je suis heureuse pour elle. Il y a longtemps que Luna voulait se marier et avoir des enfants.
— Et comment tu sais ça ? demanda James, le front plissé. J’ai connu Luna toute ma vie, et elle n’a jamais rien dit à ce sujet.
Rose prit un air lointain.
— C’est parce que tu n’as pas écouté les bonnes conversations.
Au-dessus de leur tête, l’annonceur de la volière parla soudain dans son appareil amplificateur :
— Dernières nouvelles au sujet de la mystérieuse présence de Détraqueurs au centre de Londres. L’affaire s’amplifie, mais les enquêteurs n’ont pu déterminer l’origine de l’essaim, ni prédire les lieux de ses futures apparitions. De plus, la gravité de la situation augmente tous les jours, à une cadence alarmante. Certains reportages moldus évoquent ces incidents, bien qu’ils les attribuent à des causes aussi erronées que variées. Le ministre de la magie a donné une conférence de presse, et annoncé la création d’une commission d’Aurors pour trouver l’essaim et le détruire. En attendant, de nombreux citoyens du monde magique, très inquiets, ont quitté la zone en question, jusqu’à ce cette oppression inexplicable soit sous contrôle. Nous vous donnerons d’autres nouvelles dès que possible.
Le visage de Ralph était devenu livide.
— J’ai entendu quelque chose au sujet de ces groupes de Détraqueurs quand j’étais à la maison pendant les vacances, mais je n’y ai pas réfléchi. Il semble que ça empire. Pensez-vous que c’est connecté à l’arrivée du Gardien ?
James se souvint d’une conversation qu’il avait eue, au début de l’année, avec le directeur.
— C’est possible, répondit-il. Merlin m’a dit un jour que les borleys étaient comme des minis-Détraqueurs. Si le Gardien est le Détraqueur suprême, peut-être a-t-il rassemblé les Détraqueurs encore en liberté ? Il doit les utiliser pour commencer à ravager la terre.
Rose frissonna.
— C’est une idée horrible. Si elle est vraie, nos parents sont peut-être en danger, James, puisqu’ils travaillent au ministère. Surtout ton père ! Si c’est lui qui dirige ce nouveau département des Aurors, il va s’opposer au Gardien, sans même le savoir. Nous devons les avertir.
James comprit que sa cousine avait raison. Il acquiesça.
— J’enverrai à papa un hibou dès que nous rentrerons ce soir. Je lui dirai tout ce que nous avons découvert jusqu’ici.
— Mais pourquoi le Gardien aurait-il besoin d’utiliser les Détraqueurs ? demanda Ralph. Je pensais qu’il pouvait directement affecter les humains.
Ce fut Rose qui répondit :
— Oui, il peut, mais seulement quelques-uns à la fois pour le moment. Or il se nourrit de peur et de terreur, et il utilise les autres Détraqueurs pour obtenir ce dont il a besoin. Mais ça prouve qu’il n’a pas encore trouvé son hôte humain. Une fois qu’il l’aura possédé, il n’aura plus besoin des autres. Il sera directement connecté à toute l’humanité. Il sera capable d’affecter un nombre incalculable de gens à la fois, et plus rien ne pourra l’arrêter.
— Nous devons avoir récupéré les deux morceaux de la balise-pierre avant que ça arrive, dit James avec ferveur. Seul celui qui possède la pierre entière peut renvoyer le Gardien dans le Néant, c’est bien ça ?
— Nous ne savons même pas où est la moitié de pierre qu’avait conservée Serpentard ! se lamenta Ralph. Et la moitié que nous connaissons est au doigt de l’un des plus puissants sorciers du monde. Si tu veux mon avis, à côté de ce qui nous attend, voler le sac de Jackson était carrément une balade.
James resta très ferme.
— Au moins, nous savons où est l’anneau de Merlin. Nous devons simplement trouver qui peut avoir hérité de l’anneau de Serpentard.
— Génial, aucun problème, répondit Ralph avec sarcasme. Nous avons simplement à retracer le parcours d’un anneau noir bourré de magie noire à travers une dizaine de siècles. Je me demande pourquoi on s’inquiète ?
— Quel anneau noir ? demanda Cameron qui revenait avec un stock de magazines.
Rose leva les yeux au ciel.
— Rien, Cameron. Nous cherchons juste à sauver le monde. Nous faisons ça tous les jours.
Cameron parut un peu surpris.
— Oh, dit-il. Je pensais que vous parliez peut-être de l’anneau de la famille Gaunt que l’ancien directeur Dumbledore avait donné à Harry Potter.
D’un même mouvement, les trois autres se retournèrent pour fixer Cameron. Il cligna des yeux, un peu nerveusement, devant le poids de leurs regards.
— Quel anneau, Cameron ? demanda Ralph.
Cameron eut un petit sourire amusé, comme s’il pensait à une plaisanterie.
— Vous le savez très bien. L’anneau de la pierre de résurrection. C’était l’une des trois reliques de la mort dans le dernier livre d’Harry Potter. Le directeur Dumbledore l’avait récupéré chez le dernier héritier de Serpentard, et il l’a donné à ton père, James, dans un vif d’or. Tu t’en rappelles quand même… hein ?
James, Ralph et Rose échangèrent des regards. Puis Rose s’exclama :
— Tu crois que ça peut vraiment être aussi simple ?
James écarquilla les yeux, en réfléchissant.
— Cam, tu connais de toute évidence ces livres par cœur. Dis-nous tout ce dont tu te rappelles au sujet de cet anneau.
De plus en plus étonné, Cameron regarda James, puis il haussa les épaules.
— D’accord, selon la légende, l’anneau a autrefois appartenu à la Mort. Avec lui, son possesseur peut parler… si l’on peut dire – aux morts. Cette pierre noire est passée durant des siècles à tous les héritiers de Salazar Serpentard jusqu’à arriver à la famille Gaunt. Quand Voldemort leur a volé cet anneau, il l’a utilisé comme… Euh… horcruxe. (Cameron avait baissé la voix pour chuchoter le dernier mot, comme si c’était un gros mot. Puis il continua d’une voix normale :) Plus tard, Dumbledore l’a récupéré et l’a frappé avec l’épée magique de Godric Gryffondor pour le rendre inoffensif. Après sa mort, il a demandé dans son testament que la pierre soit remise à Harry Potter, cachée dans le vif d’or qu’il avait gagné durant sa première année d’école. Harry a utilisé la pierre de résurrection pour parler à ses parents décédés quand il est allé affronter Voldemort dans la Forêt Interdite. Après ça, personne ne sait ce qu’est devenue la pierre. Alors, quand vous avez parlé d’un anneau noir, j’ai pensé que vous pouviez parler de ça. Désolé si je me suis trompé.
— Cameron, dit Rose très sérieusement, je pourrais presque t’embrasser ! Tu es un geek, mais tu es génial.
Cameron piqua un fard, en serrant dans ses bras ses nouveaux magazines, avec un grand sourire.
— Je crois vraiment, demanda Ralph, que la pierre de résurrection et la balise-pierre sont la même chose ?
— Ça me paraît logique, répondit James. C’est une pierre noire, sertie dans un anneau, qui a été transmise par Salazar Serpentard à tous ses héritiers durant des générations.
— Et, ajouta Rose, elle autorise celui qui la possède à communiquer avec les défunts parce qu’elle vient du Néant, que traversent toutes les âmes des morts.
Ralph frissonna.
— Alors, qu’est devenu cet anneau ? Où est-il depuis cette nuit dans la Forêt Interdite ?
— Comme vient de le dire Cameron, dit Rose avec un soupir, personne ne le sait. Si je me souviens bien, ce renseignement a sciemment été enlevé des livres pour que personne ne soit tenté de chercher cette pierre. On présume qu’elle a été perdue à tout jamais. Personne ne sait où elle est, ni même si elle existe encore.
Les yeux étrécis, James réfléchissait. Il décida de ne rien dire pour le moment, mais il savait qu’au moins quelqu’un connaissait le sort de la pierre de résurrection. Et James était l’une des seules personnes sur terre qui pouvait interroger ce témoin, et peut-être en obtenir une réponse.
En fin d’après-midi, les quatre élèves revinrent aux Trois Balais, que beaucoup d’élèves plus âgés à Poudlard appelaient les Trois Bâtons. Ils commandèrent des Bièraubeurre et un repas léger. Beaucoup d’autres élèves de Poudlard étaient assis dans la salle, et parlaient à grand bruit, en s’appelant d’une table à l’autre. Sabrina, Damien, et Gennifer Tellus entrèrent au moment où James terminait sa saucisse. Damien leur adressa un grand sourire en se frayant un chemin dans la foule serrée.
— Apparemment, vous avez réussi à passer le tunnel, cria-t-il. Tu sais, je suis un peu jaloux. C’est nous qui avons découvert ce passage les premiers. J’espérais être aussi le premier à pénétrer à l’intérieur de la Cabane Hurlante. C’était comment ?
— Ça tient à peine debout, répondit James. Tu aurais eu de la chance qu’elle ne te tombe pas sur la tête si tu avais essayé de passer toi-même.
— Où sont Noah et Petra ? demanda rose.
Gennifer fit une grimace comique.
— Oh, ils ont une querelle d’amoureux chez Mrs Pieddodu. Je leur ai dit que c’était une idée idiote qui ne leur apporterait que des ennuis.
Sabrina tira une chaise pour s’asseoir auprès d’eux.
— Ils ne sont pas vraiment amoureux, dit-elle. Ils sortent ensemble, et ce n’est pas pareil.
Soudain attentif, James leva les yeux, comme s’il avait raté quelque chose de la conversation.
— Et depuis combien de temps est-ce qu’ils… Euh… sortent ensemble ?
— Ça a commencé une semaine avant Noël, répondit Sabrina. C’est probablement dû à toutes ces répétitions de la pièce où ils sont censés être amants. À force de prétendre ce genre de choses sur scène, on finit par y croire dans la vie réelle.
— Oui, James est au courant, dit Ralph.
James jeta un regard noir à son ami, qui venait d’enfourner le reste de sa saucisse dans sa bouche, puis il soupira.
— Pourquoi se querellent-ils ? demanda Rose.
Damien gesticula, d’un air dramatique.
— Parce que Noah a trouvé Petra derrière le magasin Weasley, plongée dans une conversation intense avec Ted. Elle pleurait, et Ted n’avait pas l’air trop heureux. Tu sais, Noah est plutôt du genre jaloux.
— Noah aurait dû savoir que ce n’est jamais une bonne idée de sortir avec l’ex de son meilleur ami, annonça Gennifer d’un ton hautain. Cette histoire finira mal, dans tous les cas.
— Je ne comprends pas ce que Ted a vu dans Victoire, ajouta Sabrina. Il avait de la chance d’avoir Petra. Victoire n’est qu’une tête vide dans un joli emballage. (Elle se tourna vers James et Rose, les cousins de Victoire.) Sans vouloir vous vexer.
Rose agita la main.
— Oh, ne t’excuse pas. La plupart du temps, nous pensons tous la même chose d’elle.
James ressentit soudain une colère brûlante. Il tourna la tête vers la fenêtre, troublé par ses pensées et ses émotions. Il ne supportait pas l’idée que Noah et Petra sortent ensemble. Alors qu’il avait toujours bien apprécié Noah, tout à coup, il aurait voulu partir à sa recherche, et le jeter par terre. Le plus ironique était qu’il savait exactement où trouver Noah : il était assis en face de Petra, en cet instant même, au bas de la rue, dans le salon de thé si rose et étouffant de Mrs Pieddodu. Pire encore, James savait que Noah n’était pas le véritable problème. Comme Rose l’avait dit, Petra était toujours amoureuse de Ted Lupin, malgré le fait qu’il sorte avec Victoire. Toute cette affaire était compliquée, et sans espoir. James était frustré de découvrir qu’il n’y avait rien à faire pour tout arranger.
La conversation tourna vers d’autres sujets. Puis James, Ralph, Rose et Cameron firent leurs adieux aux Gremlins et sortirent. Quand ils redescendirent la rue, le soleil se couchait. Dans le village, un vent frais soufflait en rafales, emportant des journaux et des emballages de bonbons qui s’envolaient. Plusieurs autres élèves prenaient également le chemin du retour, vers le château qu’on voyait dans le lointain. Avant de revenir à la Cabane Hurlante, les quatre amis s’arrêtèrent un moment au magasin Weasley pour saluer George et Ted.
Avec un grand sourire, George les accueillit de derrière son comptoir.
— Alors, le vieux tunnel a été rouvert, hein ? Excellent. Fred et moi avons essayé une fois de prendre cette route, puisque tout le monde avait peur des fantômes de la cabane. Mais nous n’avons pas réussi à passer. Nous avions simplement laissé quelques graffitis sur le mur, si je me souviens bien.
— Oui, acquiesça Rose, je pense les avoir vus. La caricature du professeur Rogue était très amusante.
— Oh, ça c’était Fred, dit George avec un soupir. Il avait le trait rapide. Il disait que pour Rogue, tout était dans la courbe du nez.
— Comment vont les affaires ? demanda James.
— Excellentes, vraiment. Depuis que nous avons racheté le magasin de Zonko, ça roule. Ici, la clientèle est très fidèle, tu sais. J’ai même pensé parfois à en faire le magasin principal, et garder celui du Chemin de Traverse en secondaire. D’après Ron, c’est une mauvaise idée. Il préfère travailler à Londres.
Rose regarda autour d’elle, et hocha la tête avec appréciation.
— J’imagine que Ted adore travailler ici. Cet endroit lui convient.
— Oui, acquiesça George. C’est agréable de l’avoir ici. Il travaille dur et a d’excellentes idées pour de nouveaux produits. En particulier, il a trouvé des parfums originaux pour les dragées de Bertie Crochue – j’ai juste refusé ceux au guano[6]. Par contre, aujourd’hui, cette andouille ne m’a été d’aucune utilité. Ces week-ends d’élèves à Pré-au-lard sont pour lui de véritables réunions familiales. Il a fichu le camp toute la journée, pour rencontrer je-ne-sais-qui, et faire je-ne-sais-quoi.
Il y eut un violent claquement. James et Rose se retournèrent, et virent Cameron secouer le doigt, en essayant d’enlever quelque chose qui venait de toute évidence de s’y coincer. George sortit de derrière son comptoir.
— Mon jeune ami, tu as touché, tu achètes, dit-il avec entrain. Non, je plaisante. Ce sont des galions attrape-pigeon. Si tu essayes de les toucher, ils s’accrochent à ton doigt. Ça fait toujours rire. J’en laisse en général un sur le comptoir, et j’attends qu’un innocent se fasse avoir.
— Ils paraissent vrais, admit Cameron, tandis que George enlevait la fausse pièce de son doigt. Enfin, jusqu’à ce qu’ils te mordent comme ça. C’est… Euh… génial. Merci.
George conduisit Cameron vers une autre étagère.
— Si ça t’amuse, tu apprécieras aussi la bombe de disparition, dit-il. Nous avons étendu son rayon d’action à trois mètres. Succès garanti au cours des fêtes entre amis.
En attendant, James arpenta le magasin. En jetant un coup d’œil vers l’arrière-boutique, il vit Ted assis sur une pile de cartons. Dernièrement, comme lorsqu’il était bébé, le jeune sorcier s’était remis à utiliser ses dons de métamorphomage pour changer ses cheveux. Aujourd’hui, il les portait très longs, et leur rideau noir lui cachait le visage. James pensa que son ami ressemblait à Sirius Black, mort depuis si longtemps.
— Hey, Ted, dit James. Comment va ?
Ted releva les yeux, sans que James puisse voir son visage.
— Oh, salut, James. Ça va. (Il soupira.) Tout va très bien.
— Comment se passe ton entraînement pour l’équipe nationale de Quidditch ?
— Hmm ? Oh… oui. Pas trop mal, j’imagine. J’ai été plutôt occupé ces derniers temps au magasin, mais sinon, ça va.
James passa carrément dans l’arrière-boutique.
— Ted ? insista-t-il. Qu’est-ce qui se passe ?
La voix de Ted était étrangement froide.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
— Je veux dire… avec Petra. Bien sûr, ça ne me regarde pas, mais…
— Qu’est-ce que tu sais de cette histoire entre Petra et moi ? demanda Ted, un peu violemment. Je sais que Metzker s’énerve facilement, et tout le reste des Gremlins doit ne parler que de ça, mais je ne pensais pas que toi, tu t’y mettrais aussi.
— Aussi ? répéta James, en reculant d’un pas. Écoute, je ne…
— Je ne sais pas ce qu’on raconte sur Petra et moi, James, mais c’est n’importe quoi. Il faut juste que vous fichiez la paix à Petra. Tous. Surtout Metzker. Et tu peux le lui dire de ma part !
— Ted… commença James, mais ensuite il ne sut pas quoi dire de plus.
— Je dois voir Dolohov. (Ted s’étira, puis il se releva.) Il traîne toujours avec toi ?
James lui jeta un regard perçant.
— Tu parles de Ralph ? Euh… oui, bien sûr. Pourquoi ?
— Oh, pour rien. Après tout, ce n’est pas tes parents qui ont été tués par sa famille.
James secoua la tête.
— Ted, tu ne peux pas… en vouloir à Ralph pour ça. Il n’était même pas né. Et son père n’était qu’un gosse rejeté par les siens quand la Bataille a eu lieu.
Tête poussa un soupir fatigué.
— Ne me dis pas à qui je peux en vouloir ou non, James. Écoute, je suis désolé d’en avoir parlé. Mais ce soir, je ne suis pas très en forme. Tu devrais peut-être retourner dans le tunnel avec Rose et les autres. Il commence à faire nuit.
James hocha la tête, lentement.
— Oui, tu as raison. (Il fit quelques pas, puis tourna la tête.) À la prochaine, Ted.
— Oui, à la prochaine, James. (Ted agita la main.) Fais attention.
Quand les quatre amis sortirent du magasin Weasley, le soleil s’était couché. Il ne restait plus dans le ciel que quelques lueurs d’un orange vif ou d’un violet profond. Rapidement, ils retournèrent à la Cabane Hurlante. La barrière qui autrefois entourait la propriété s’était effondrée depuis longtemps, en de nombreux endroits. James emprunta la même brèche qu’à l’aller. Devant eux, légèrement en surplomb, les ruines de la cabane jetaient une ombre sombre qui paraissait menaçante.
— J’aurais vraiment préféré revenir avant qu’il fasse nuit, s’exclama Ralph avec ferveur. Je ne vois même pas la porte d’entrée.
Rose alluma sa baguette et la pointa.
— Elle est juste là. Exactement comme nous l’avions laissée…
Au moment où sa baguette illuminait l’entrée de la Cabane Hurlante, la voix de Rose vacilla, puis s’éteignit… parce que la porte n’était pas « exactement comme ils l’avaient laissée ».
— Je pensais que nous avions refermé, remarqua Cameron d’une voix étonnée. Vous n’êtes pas d’accord…
— Si, Cam, coupa James. Je suis certain que nous ne l’avions pas laissée comme ça.
La porte d’entrée avait été ouverte si violemment que les gonds s’étaient arrachés. Elle pendait, sur le côté. Et derrière, béait le gouffre d’une obscurité impénétrable.
— Est-ce que quelqu’un va sortir de là ou arriver derrière nous ? dit Ralph, en essayant de garder sa voix le plus calme possible.
— Qu’est-ce que ça change ? s’enquit James.
— Eh bien, répondit Ralph, après réflexion, ça nous indiquerait d’où vient le danger : est-ce que quelqu’un nous suit ou y a-t-il un piège qui nous attend.
— Qui pourrait nous tendre un piège ? demanda Cameron.
— Personne, affirma Rose. Venez. C’est juste un animal ou quelque chose comme ça. Il faut qu’on se dépêche.
Elle grimpa sur le porche branlant et tendit sa baguette à travers la sombre ouverture. James était derrière elle, le cœur battant. Ils entrèrent ensemble dans la cabane, suivis par Ralph et Cameron. De toute évidence, l’intérieur avait été vandalisé. Les vieux meubles avaient été repoussés sur le côté, laissant de lourdes marques sur le plancher poussiéreux. Pire encore, il y avait un problème avec l’escalier qui descendait au sous-sol. La porte était en miettes, et les marches avaient disparu.
James attrapa le bras de Rose.
— Attend ! dit-il. Ça ne va pas. Regarde un peu.
Ensemble, les quatre élèves se penchèrent vers l’escalier. À la lumière de la baguette de Rose, ils virent clairement que la pièce en dessous avait virtuellement disparu. Les murs s’étaient écroulés, le plafond était tombé sur l’escalier, le passage était bloqué.
— Comment cela a-t-il pu arriver juste aujourd’hui ? demanda Ralph, le souffle coupé. Ça fait vingt ans que ça tient, et ça se casse la figure le jour même où nous en avons besoin ?
— Peut-être avons-nous provoqué cet éboulement ? proposa Cameron.
James secoua la tête.
— Non, quelqu’un l’a fait exprès. Quelqu’un savait que nous étions ici. Il veut nous forcer à rentrer au château par une autre route.
Cameron regarda James, d’un air étonné.
— Et pourquoi quelqu’un ferait-il une chose pareille ?
— Parce qu’il ne veut pas que nous reprenions le tunnel, répondit Ralph d’une petite voix. Parce que le tunnel est protégé par les sortilèges du château.
Cette fois, Cameron parut terrifié.
— Nous allons nous faire prendre en revenant ! s’exclama-t-il. Le professeur McGonagall va nous voir revenir avec les autres élèves. Nous aurons des tas d’ennuis.
— Cameron, j’espère sérieusement que ces ennuis-là seront les seuls que nous rencontrerons, dit Ralph.
Puis ils sortirent tous derrière Rose par la porte d’entrée et regardèrent le chemin qui s’enfonçait dans la nuit.
Aussi vite que possible, les quatre élèves retournèrent jusqu’à Pré-au-lard mais la Grand-rue était maintenant déserte. Ils continuèrent en direction du château dont ils apercevaient parfois les tourelles et flèches têtières au-delà des toits, malgré le ciel de plus en plus sombre. Au bout du village, une rue leur parut se diriger dans la bonne direction, aussi James y mena ses troupes, jusqu’à l’orée de la forêt.
— Ça me paraît bizarre qu’on passe dans le bois, James, s’inquiéta Ralph. Il doit y avoir un chemin plus direct pour aller au château.
— Oui, sûrement, répondit James. Regarde entre les maisons.
Un chien aboya, non loin de là, et quelque chose croassa dans le vent frais. Cameron regarda autour de lui, les rues étaient étrangement désertes.
— Je me demande où sont passés tous les autres, remarqua-t-il. Pourquoi ne voyons-nous aucun autre élève passer par cette route ?
— Les week-ends à Pré-au-lard s’arrêtent en général à la tombée du jour, répondit Rose calmement. Tous les autres sont déjà rentrés. Nous n’aurions pas dû nous attarder chez oncle George.
Tout à coup, Ralph pivota sur ses talons, pour regarder derrière lui.
— C’était quoi ? demanda-t-il.
— Quoi ? chuchota James, qui avait la chair de poule.
Les yeux de Ralph fouillaient la rue.
— J’ai cru… entendre quelque chose derrière nous.
Rose secoua la tête.
— Arrêtez, tous les deux ! C’était probablement un chien. Ce n’est rien.
— Je l’ai aussi entendu, dit Cameron. Ça venait de cette ruelle.
Rose s’accrocha au bras de Ralph.
— Venez, insista-t-elle fermement. Vous me fichez la trouille, et je n’en ai pas besoin. Il faut avancer.
Quelques minutes plus tard, la rue tourna dans la mauvaise direction. James regarda autour de lui, mais les maisons étaient agglutinées les unes contre les autres et il n’aperçut pas le moindre signe du château au milieu de leur masse.
— Il y a un petit passage, dit-il, on dirait qu’il traverse les arbres.
— Tu crois que ça nous ramènera à l’école ? demanda Ralph.
— Je ne sais pas. Mais au moins, il va dans la bonne direction. On essaye ?
D’un pas décidé, James se dirigea entre deux maisons, longea une clôture de bois qui cernait un jardin potager, puis s’arrêta à l’orée de la forêt. Le chemin continuait dans les buissons et les hautes herbes.
— Mince, ça ne s’arrange pas, commenta Ralph calmement. Je croyais que le plan était de ne jamais rester seul.
James continua à avancer.
— Nous ne sommes pas seuls, dit-il. Nous avons Cam avec nous.
— Et il y a aussi quelqu’un qui nous suit, ajouta Cameron avec entrain.
— Cameron ! s’écria Rose, mécontente.
En réalité, James était de plus en plus inquiet. Le passage s’enfonçait dans la forêt qui séparait Pré-au-lard des jardins de Poudlard. Les hauts arbres bloquaient complètement la vue. Le ciel était de plus en plus noir, aussi il y avait de nombreuses ombres qui dissimulaient le chemin. De temps à autre, James croyait aussi entendre des pas derrière eux, mais il préféra ne pas attirer l’attention des autres. Il sortit sa baguette, et l’alluma, levant le bras aussi haut que possible. La lueur ne fit que renforcer l’atmosphère étouffante de l’obscurité qui les entourait. Aucun des quatre ne parla durant plusieurs minutes. Ils avançaient de plus en plus vite. Heureusement, le chemin s’améliora tout à coup, et les arbres s’espacèrent. James aperçut une lune pâle et entière montait dans l’indigo sombre du ciel.
— Regarde ! dit Rose, en pointant du doigt, là, juste derrière les arbres. C’est la porte principale. Je vois les deux piliers.
James plissa les yeux. Il n’avait pas ses lunettes, aussi il ne voyait rien à cette distance.
— Oui, dit Ralph. Je les vois aussi. Ouf, ça fait plaisir. Allez, venez.
Tandis que les quatre élèves s’élançaient d’un pas plus vif, ils sortirent de la forêt, et le ciel nocturne apparut en plein, éclaboussé d’étoiles. La pleine lune jetait sur la campagne alentour sa lumière froide. Effectivement, l’ancien mur du château apparut, avec ses portes grandes ouvertes. De chaque côté, se dressait un ours de pierre, pattes en avant, crocs dénudés. À leur vue, James poussa un grand soupir de soulagement. Dans quelques minutes, ils seraient tous les quatre à l’intérieur du château, en sécurité.
— Hey ! s’exclama Cameron avec un rire nerveux. Vous voyez, je savais que ce serait une aventure. Attends un peu que je raconte à mon père…
La voix de Cameron s’arrêta net parce que des pas précipités couraient vers eux. Le garçon tourna la tête, d’un air étonné. Quelque chose d’énorme arrivait dans l’obscurité, très bas sur le sol, à toute vitesse.
Rose poussa un hurlement et plongea en avant, la baguette tendue. Ralph et James baissèrent la tête quand leur agresseur bondit sur eux. La bête leur passa dessus et atterrit entre James et la porte du château. Elle glissa dans la poussière, et se tourna pour faire face. Un grondement féroce émergea de sa gorge ouverte.
— Stupefix ! s’écria Rose, baguette tendue.
Il faisait trop sombre pour qu’elle puisse bien viser. L’éclair rouge heurta le sol, devant la créature, qu’elle illumina un instant. James vit des crocs blancs dénudés, un mufle étroit, et des yeux brillants et terribles.
— C’est un loup ! cria-t-il en reculant.
À sa voix, la bête répondit par un grognement sonore. Elle s’accroupit, plus près du sol, puis bondit. James se couvrit les yeux, essayant de se protéger des dents et des griffes, mais au lieu d’être éventré par la bête, il fut brutalement repoussé de côté. Puis, derrière lui, il y eut un choc, une bousculade, et un hurlement de douleur. C’était Ralph. James se remit debout, et chercha sa baguette. Avec un cri étouffé, il réalisa l’avoir fait tomber quand la bête avait attaqué.
— Rose ! cria-t-il. Stupéfie-le !
— Je ne peux pas, répondit sa cousine, la baguette toujours tendue. Je n’arrive pas à distinguer la bête de Ralph. Si jamais je stupéfie Ralph, le loup va le tuer.
En une mêlée serrée, le loup roula avec Ralph qui se débattait. La bête avait pris dans la gueule le poignet du jeune sorcier, et elle secouait la tête, comme pour l’arracher. À nouveau, Ralph hurla, et essaya de repousser l’énorme bête loin de lui.
Sans réfléchir, James plongea sur le loup. Il verrouilla ses deux bras autour de la fourrure rêche du cou, et tira aussi fort que possible. Et tout à coup, sa cicatrice fantôme au front le brûla intensément. Il grinça des dents contre la douleur, sans lâcher le cou du loup. La bête s’agita, et se secoua, sans relâcher non plus sa prise sur le bras de Ralph. James sentait les muscles vibrer sous la fourrure du loup, il sentait aussi l’odeur âcre de sa fureur. Et tout à coup, la bête posa une patte sur la poitrine de James, y plongea ses griffes, arrachant le tee-shirt. James sentit quelque chose de chaud et de gluant couler sur sa peau, mais sans la moindre douleur. En fait, il avait tellement mal au front qu’il n’arrivait plus à penser à autre chose. À nouveau, le loup se débattit, et éjecta James. Il s’écarta précipitamment, mais la bête était trop rapide. Un coup de patte lui effleura le visage, le ratant d’un cheveu.
Et tout à coup, il y eut une autre voix.
— Non, Ted ! Arrête ! Ne fais pas ça ! Lâche-le !
James roula sur lui-même, et se mit à genoux. Il regarda autour de lui, affolé, essayant de voir malgré l’agonie qui lui perforait la tête. Une mince silhouette était penchée sur le loup. James en fut tellement surpris qu’il lui fallut un moment pour la reconnaître. Une main fine prit le loup par les oreilles, et le força à relâcher Ralph. La bête jeta la tête en arrière, en claquant des mâchoires.
— Ça suffit, Ted ! cria Petra, que James reconnut enfin. Tu ne sais pas ce que tu fais. Ce n’est pas le bon moyen de régler ton problème. Je t’en prie ! Pas ici, pas maintenant.
De tout son poids, le loup plongea en avant. Il renversa Petra, mais ne chercha pas à réattaquer Ralph. Le loup tourna juste la tête vers lui, et grogna, puis il s’écarta et lécha ses pattes sanglantes. Il semblait troublé, comme s’il était écartelé entre deux tentations opposées. Finalement, il jeta la tête en arrière, et hurla un long cri désespéré. James se sentit glacé jusqu’au fond de l’âme, parce qu’il sentait l’humanité derrière ce cri. Il avait la sensation que Ted était quelque part, caché en dessous, hurlant à la lune son désespoir et son chagrin.
Quand Petra se remit debout, elle approcha lentement de l’énorme bête. Puis elle s’agenouilla près de lui et caressa sa fourrure, en lui parlant d’une voix tranquille, apaisante.
Rose s’approchant de Ralph, toujours écroulé.
— Ralph ! haleta-t-elle. Est-ce que ça va ? Es-tu blessé ? Gravement ?
Avec un gémissement, Ralph se mit sur le dos, puis il s’agenouilla. James rampa jusqu’à lui.
— Je pense avoir le bras cassé, remarqua Ralph, avec un calme étonnant. Il ne fonctionne plus, et j’ai chaud.
James vit que le poignet de Ralph était un véritable massacre. Il y avait du sang partout, et des morceaux de sa chemise pendaient lamentablement.
— Ralph, s’exclama James. C’est une blessure horrible.
— Tu n’es pas en meilleur état, annonça Ralph. Au moins, tu as encore tes tripes à l’intérieur.
— Je pense, répondit James, en examinant sa poitrine sanglante. J’espère, du moins.
— Laisse-moi regarder ton poignet, Ralph, dit Petra.
Elle s’agenouilla devant lui. Ralph tendit le bras, et Petra souleva la manche déchiquetée pour lui dénuder l’avant-bras.
— Artemisiae, dit-elle, en effleurant de sa baguette les entailles béantes. Voilà, ça va arrêter le saignement jusqu’à ce que tu puisses aller voir Mrs Gaze à l’infirmerie.
Puis elle se tourna pour examiner les blessures de James.
— Qu’est-ce que tu fais là, Petra ? s’étonna-t-il.
— Je rentrais à Poudlard, répondit-elle. J’émergeais juste de la forêt quand j’ai vu ce qui arrivait.
Rose tremblait de tout son corps.
— Mais comment… savais-tu que ce loup était… était…
— C’est la pleine lune, Rose. Autrefois, Ted et moi… parlions souvent. Il m’a tout raconté de sa… condition.
Petra jeta sur la poitrine déchirée de James le même sortilège qu’à Ralph, puis elle lui assura que les coupures n’étaient pas profondes. Finalement, les deux sorcières aidèrent James et Ralph à se relever.
— Où est le loup ? demanda Ralph, d’une voix tremblante. Il est parti ?
— Oui. (Petra hocha la tête, et se tourna vers la forêt.) Il est parti.
Tout à coup, Rose poussa un cri étouffé, et se couvrit la bouche de la main.
— Où est Cameron ? cria-t-elle, affolée.
Après une recherche rapide, ils trouvèrent Cameron étendu sur l’herbe, ses nouveaux magazines répandus autour de lui, son sac déchiré. Il avait dans le dos une énorme trace de patte boueuse, mais sinon, il n’était pas blessé.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? demanda-t-il, d’une voix faible, quand les autres le relevèrent. Je pense que je me suis évanoui. Mince, je me suis vraiment évanoui ? J’ai tout raté !
James poussa un soupir, puis il grimaça parce que tout à coup les blessures de sa poitrine se réveillaient.
— Je te raconterai tout plus tard, Cam. Pour le moment, rentrons au château.
Plus ou moins sanguinolents, certains boitant, les membres du petit groupe se dirigèrent vers la porte, visant la lumière accueillante qui émanait du château. Malheureusement, James dut retourner sur ses pas. Furieux, une main serrée sur la poitrine, il chercha un moment dans l’herbe, et finit par retrouver sa baguette. Il la rangea dans la poche de son jean, et courut pour rattraper les autres, en leur criant de l’attendre.
Quelque part, dans l’obscurité de la forêt profonde, un loup hurla un cri désespéré et solitaire.